Dans la première partie de cet article, vous avez découvert les 3 premières leçons tirées de mes lectures des écrits et interviews des plus grands athlètes et coachs de tous les sports confondus. J’ai gardé le meilleur pour la fin…
J'ai parlé de l'importance d'une bonne hygiène de vie. D'un autre côté, on ne peut pas faire confiance à notre corps, qui nous envoie des signaux pour nous demander d’arrêter de nous fatiguer bien avant qu’on ait atteint nos limites. Vous pouvez facilement en faire l’expérience lorsque vous courez, par exemple. Si vous n’en avez pas l’habitude, votre corps va rapidement vous pousser à faire une première pause, mais si vous persévérez, vous constaterez que vous pouvez aller bien plus loin.
C’est quelque chose que l’on voit très clairement dans le monde du cyclisme. Lorsque les coureurs commencent à gravir un col, le niveau de souffrance est déjà extrêmement élevé pour tout le monde. L’écart se creuse après ce point. Celui qui passe la ligne en premier est celui qui parvient à résister le plus longtemps. Tyler Hamilton nous en donne un exemple frappant dans son livre La course secrète, lorsqu’il nous raconte comment il a parcouru l’intégralité du Tour avec une épaule cassée.
Notre mental a donc une capacité extraordinaire à prolonger l’effort lorsqu’il est motivé, et cela est valable dans tous les domaines. Si on accepte de serrer les dents, on arrive souvent bien plus loin que ce que l’on pouvait imaginer au départ. Je le dis souvent à mes équipes : à un certain point, tous les joueurs (collaborateurs dans le monde professionnel) ont un très bon niveau et tout le monde souffre, la différence se joue dans notre capacité à tenir face à la douleur. C’est notre mental qui nous permet de nous démarquer.
Pour le manager, une des manières de parvenir à ce résultat consiste à détourner l’attention de ses collaborateurs. S’ils se concentrent sur leur souffrance, il y a de grandes chances pour qu’ils baissent les bras, mais en se focalisant sur leurs objectifs, ils tiendront bien plus longtemps. Personnellement, j’aime bien voir cela comme un jeu. Je me rappelle que les autres ressentent la même douleur que moi et que le but de ce combat psychologique consiste juste à être plus résistant et résilient que ses adversaires.
L’entretien croisé entre les coureurs cyclistes Bernard Hinault et Julian Alaphilippe parlent exactement de ça :*
Bernard, vous auriez aimé courir contre Julian ?
B. H. : Oui, et je peux te dire qu'il y aurait eu du poil d'arraché... (Alaphilippe explose de rire). Certains coureurs de mon époque te ressemblaient. Joop (Zoetemelk), (Hennie) Kuiper, (Gerrie) Knetemann, ils ne se posaient pas la question, hein ! S'ils te voyaient légèrement en difficulté, ils essayaient de te mettre la tête sous l'eau. Parfois ça marchait, parfois non, parce que je les contrais. Mais c'est ça la course ! Quand j'avais mal sur le vélo, je me disais simplement que les autres avaient encore plus mal. De toute façon, quand on est devant, le mal, on l'oublie.
J. A. : Il y a une très grosse partie mentale, c'est indéniable. Il faut aimer souffrir pour gagner des courses et puiser très loin dans la douleur pour réussir des gros coups. Il faut être maso pour faire du vélo, c'est un sport tellement difficile. Le mec qui te dit qu'il n'aime pas avoir mal, il ne fera pas une belle carrière. Tout cela se travaille à l'entraînement, mais il y a une dimension psychologique énorme qui entre en compte pour aller encore au-delà, dépasser ton propre seuil. Tout le monde s'entraîne dur aujourd'hui, toutes les équipes sont à la pointe. C'est la tête qui fait la différence.
Dans cette gestion du leadership telle que je le conçois, il est également nécessaire de trouver le juste équilibre entre la recherche de la performance individuelle et la mise en avant du collectif. C’est un résultat très difficile à atteindre, et là encore, on observe de nombreux exemples dans le monde sportif.
Les meilleurs joueurs ne font en effet pas nécessairement les meilleures équipes. L’exemple le plus frappant est celui de l’équipe de France 98. Ce n’est pas un hasard si la première victoire de la France en Coupe du monde est survenue alors que les deux plus grands joueurs du pays, Éric Cantona et Éric Ginola, n’étaient pas sur le terrain. Cela n’enlève rien à leurs qualités personnelles, mais leur comportement individuel avait tendance à tirer le collectif vers le bas.
Dans le monde professionnel, le problème est le même. Il faut trouver des collaborateurs suffisamment compétitifs pour avoir envie d’exceller, mais capables de faire passer l’équipe avant tout. C’est un défi de taille pour les managers, surtout dans un secteur comme le logiciel, qui peut se révéler assez individualiste et très concurrentiel.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que ces personnalités très compétitives sont aussi un atout de taille. Certaines personnes, comme Didier Deschamps, Yannick Noah ou Bernard Tapie, n’ont pas réussi par hasard, ils ont toujours joué pour gagner. Chris Paul, l'un des meilleurs passeurs de la NBA, expliquait dans une interview qu’il « déteste perdre encore plus qu’il n’aime gagner », et c’est ce qui les mène à tout faire à fond.
Que ce soit dans le sport ou le travail, le haut niveau commence au moment où nous sortons de notre zone de confort et où nous repoussons nos limites malgré la douleur. Dans cette recherche de compétitivité, il ne faut toutefois pas perdre de vue l’intérêt du collectif. Le rôle du manager est donc double : pousser les performances individuelles en identifiant les leviers capables de motiver chaque collaborateur, tout en maintenant l’esprit d’équipe et la bienveillance qui va avec.
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*L’Équipe 28/12/21
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