Le service public français se modernise. Le GIP-MDS, de son nom officiel “Groupement d'Intérêt Public de Modernisation des Déclarations Sociales”, est bien placé pour le savoir ! Il a mené avec succès les projets de la Déclaration Sociale Nominative (DSN), aujourd’hui utilisée par 100% des entreprises privées françaises, puis du fameux prélèvement à la source.
La donnée, indispensable pour un service public qui tient ses promesses ? C’est ce que j’ai voulu savoir en rencontrant Elisabeth Humbert-Bottin, Directrice Générale du Groupement.
Du point de vue technique, il n’y a sans doute pas de limite… mais de véritables limites de raison existent. Raisons budgétaires d’abord. Voir grand d’emblée, ne pas se donner de règles sur les volumes manipulés, c’est accepter des projets dont la maîtrise budgétaire ne sera pas garantie, avec pas mal d’exemples dans le passé qui montrent que trop souvent, il est fait fi de cette raison…
C’est aussi augmenter le clivage qui est déjà considérable entre ce qu’un gestionnaire peut penser pouvoir analyser et ce qu’on lui demande de gérer dans ses systèmes. Et quand on parle volume, on parle non seulement du nombre d’occurrences, mais aussi du nombre de « boîtes logiques » dans lesquelles on range ces occurrences.
Aujourd’hui avec la transformation numérique, la normalisation n'est plus une option. Les données doivent être enregistrées de façon standardisée, en évitant les redondances et en se basant sur la définition de la donnée à la source. Pour la DSN c’est la donnée de paie. Or, les récepteurs historiques raisonnent non pas à partir de ce que la source peut produire, mais de ce qu’ils doivent obtenir dans leur réglementation.
La donnée est bien plus qu’un bien stratégique, c’est la matière première de nos actions et le résultat de nos chaînes de production. Dans notre métier de service, on recueille des données sur les procédures des entreprises et les descriptions des assurés. On les transforme en prestations diverses, mais aussi en services à valeur ajoutée à redonner aux entreprises et aux citoyens. Nous collectons chaque mois 2 millions de déclarations des entreprises portant plus de 21 millions de salariés et 80 000 déclarations de revenus autres rendant compte de la collecte de 75 millions de prestations versées. Nous vivons avec le gigantisme. Pour l’assumer, nous devons penser et faire vivre des systèmes de collecte qui restent raisonnables en termes de temps d’exécution et de coûts de gestion. Et nous devons aussi nous préoccuper de leurs usages collectifs, avec des systèmes de stockage et de distribution robustes, fiables et traçables.
Ce terme, comme tous les termes à la mode, ne veut rien dire sans en donner le contexte. Parle-t-on des compétences, du rôle, de l’organisation ? Et comme ce sont désormais les données de personnes dont-il s'agit, puisqu’on les prend à la source, qui peut prétendre en assurer la gestion ? Ce qu’il faut, ce sont des normes claires et un appui politique pour que ces normes soient prises en compte en amont.
Pour y parvenir, plusieurs conditions :
Les exemples ne manquent pas. Pour le citoyen, dès lors que sa donnée est collectée par la Déclaration Sociale Nominative, il en dispose sur “Mes droits sociaux”, ce qui est un premier pas. Mais beaucoup reste à faire. En effet, quel est l'intérêt d’un bulletin de salaire qui reste la source première de contestation alors que la digitalisation en place le remplace ? Et pourquoi n’a-t-on pas encore proposé aux citoyens sur la base de ces données de les utiliser sous forme d’attestation quand ils font une demande de location d’appartement ou de prêt ? Pour les entreprises, une vraie valeur existe comme indicateurs de pilotage de leur fonction RH, en permettant des comparaisons avec des entreprises similaires. Nous sommes par exemple en train de travailler avec les éditeurs sous l’égide de la Direction Générale du Travail (DGT) et de la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) pour que le calcul de l’index homme / femme dans les entreprises soit un service proposé en tant que sous-produit de la Déclaration Sociale Nominative (DSN).
La première chose serait que celui qui ouvre ses données ne soit pas félicité individuellement. L’ouverture ne peut être que collective. Disposer d’une cartographie partagée des données disponibles en repérant la « juste » source serait un préalable. Et, bien sûr, cela doit se faire dans le respect des règles de confidentialité et de traçabilité des accès.
Je vais faire un parallèle. Antérieurement, on demandait au gestionnaire de paie de calculer une paie avec les singularités des conventions collectives, au gestionnaire d’un organisme de déterminer une prestation avec les textes concernant sa branche, aux gestionnaires des déclarations de faire le lien entre les deux. C’est comme la gestion des stocks dans les magasins : le commercial prévoyait les ventes, le magasinier comptait, l’acheteur commandait, le fournisseur livrait. Maintenant, les magasins pré-approvisionnent au fil de l’eau quand un client prend le énième produit resté en console. Sur les données de paie, c’est pareil ! Tout le monde dispose de l’information élémentaire, c’est-à-dire la nature du contrat, la quantité de travail, la rémunération et l’utilise en fonction de ses propres règles. On doit penser l’ensemble comme un système global, non pas comme un traitement particulier.
Oui bien sûr. L’explosion des gardes d’enfant par recours au dispositif des indemnités journalières, l’observation du recours à l’activité partielle, l’usage massif des contrats courts ou encore la variation des rémunérations moyennes ont été suivies de près par les décideurs afin de prendre les meilleures décisions politiques possibles.
Pour aller plus loin, retrouvez l’étude de cas complète du projet de modernisation du service public grâce à l’utilisation d’une plateforme de données unifiée ici. Si vous souhaitez raconter votre histoire, contactez-moi sur LinkedIn ou en commentaire. Pour découvrir notre dernière étude sur l’ère des données, rendez-vous sur le site internet Splunk.
Si vous avez aimé cette interview, retrouvez celle d'une autre actrice de l'ère des données, Encarna Marquez, Chief Digital Officer chez France Télévisions, qui transforme l'industrie des médias grâce aux données.
A bientôt pour d'autres rencontres avec des actrices et acteurs de l'ère des données !
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