Bienvenue dans l’épisode 6 de Data Talks, la série vidéo de Splunk dans laquelle des experts de la donnée décryptent pour nous les nouvelles tendances autour de la data. Nous retrouvons aujourd’hui un des spécialistes français de la donnée, Marcel Lee.
En tant que directeur associé du cabinet Pramana et membre, depuis 2020, de la présidence de l’association DAMA (Data Management Association), ce spécialiste de la gouvernance des données (data governance) a accompagné de nombreuses entreprises dans leur gestion de la data. Découvrez ci-dessous l'interview sous la forme d'une vidéo ou d'un article.
Cette question est un bon point de départ, car la gouvernance des données est une notion souvent mal comprise. Pour mieux la saisir, il faut faire un petit détour par un autre concept : le management des données. En substance, cette expression recouvre toutes les actions et pratiques mises en place pour que les informations traitées soient de qualité, consommables, compréhensibles, accessibles et sécurisées. Les principales opérations effectuées pour utiliser et exploiter les données relèvent donc du management.
Alors, pourquoi a-t-on besoin d’autre chose ? Tout simplement parce que nous sommes aussi confrontés à des problématiques moins concrètes :
La gouvernance des données permet de répondre à ces questions, notamment dans les grandes entreprises qui doivent composer avec des silos organisationnels et des historiques particulièrement lourds.
Autrement dit, il s’agit d’un système visant à concevoir des outils et à encadrer le management des données en répondant à trois questions centrales :
La gouvernance des données est donc avant tout un vecteur de structuration, de coordination et d’engagement venant compléter les tâches de management.
On peut en effet dégager trois principes fondateurs appliqués dans la plupart des entreprises engagées dans ce processus.
La gouvernance des données vise avant tout à ancrer des comportements vertueux vis-à-vis de la data. Par exemple, si tous les collaborateurs d’une entreprise créent des ressources dans leur coin et les stockent dans des silos, sans en ouvrir l’accès aux autres, la perte de valeur peut être conséquente pour l’organisation.
L’objectif de la gouvernance est donc de modifier ces comportements grâce à un certain nombre de principes que les équipes devront appliquer au quotidien. Mais pour que cela fonctionne et que les changements soient effectifs, il est bien évidemment nécessaire que les collaborateurs en comprennent l’utilité.
Pour atteindre son but, la gouvernance des données ne doit pas être conçue comme un processus de contrôle indépendant, appliqué a posteriori. Au contraire, elle doit être ancrée dans les opérations et associée aux processus courants de l’entreprise.
Dans le cas d’un service chargé de la relation client, cela peut se traduire par une certaine standardisation des pratiques de saisie des informations, afin d’améliorer la qualité des données et de responsabiliser les membres de l’équipe, par exemple.
Enfin, même si des bénéfices peuvent être ressentis à court terme, la gouvernance des données se construit sur un temps long. Ce n’est pas quelque chose qui peut être implémenté en quelques mois, et il me semble important que les entreprises qui s’engagent dans cette voie en soient bien conscientes.
C’est une question très pertinente, car la gouvernance des données est souvent associée à une posture défensive et réglementaire. Et c’était effectivement le cas au début, notamment dans les banques et les assurances. Ces processus étaient synonymes d’obligations en matière de contrôles, de qualité ou de documentation. Les choses ont bien changé depuis, mais cette image peu attrayante est restée, ce qui a entraîné un certain rejet dans de nombreuses entreprises.
Pourtant, aujourd’hui, les organisations doivent être plus offensives, notamment dans les domaines du numérique, de l’analytique avancé et du machine learning, afin de tirer pleinement parti de leurs données. Et pour y parvenir, elles ont besoin de pouvoir croiser toutes leurs informations, à tout moment. Autrement dit, les silos traditionnels ne peuvent plus fonctionner dans un contexte où les entreprises doivent sans cesse chercher à atteindre un optimum global, et c’est justement l’un des grands avantages de la gouvernance des données.
D’un point de vue plus opérationnel, c’est aussi un gain de temps et de sérénité, car les équipes peuvent davantage compter sur la qualité et la disponibilité des données dont elles ont besoin au quotidien.
Au vu des éléments que nous avons déjà abordés, il semble tout d’abord important de souligner que la gouvernance n’est pas qu’une question de technologies, mais avant tout une problématique organisationnelle et comportementale. Le meilleur atout d’un responsable de gouvernance est donc plutôt à chercher du côté de la conduite du changement.
Cela étant dit, il existe des outils permettant de soutenir cette démarche. On peut notamment penser aux catalogues de données, centralisant le glossaire métier ainsi que le dictionnaire et le lignage des données. Ces ressources sont importantes pour capitaliser sur les connaissances acquises sur la data, la rendre disponible et appuyer les décisions de gouvernance. Elles peuvent permettre, par exemple, de sensibiliser les acteurs concernant certaines contraintes réglementaires et de prendre des mesures concrètes pour encadrer le traitement des informations sensibles. C’est aussi un bon moyen de définir plus précisément les rôles et responsabilités en établissant des profils utilisateur appropriés à chaque situation.
On pourrait également mentionner les moteurs de workflows, les systèmes de validation, les tableaux de bord, et autres outils de management, qui permettent d’ancrer encore davantage les processus de gouvernance dans le quotidien des équipes. Il est en effet plus facile d’engager des collaborateurs lorsqu’ils peuvent constater de manière concrète l’impact de ces décisions sur leurs opérations quotidiennes.
Certaines méthodes ont effectivement fait leurs preuves et, d’après mon expérience, la différence se joue sur trois éléments.
De nombreuses entreprises se lancent tête baissée dans l’élaboration de politiques et la définition des rôles, sans prendre le temps de réfléchir à leurs objectifs métier. Pour que le processus de gouvernance soit efficace, il est pourtant nécessaire de répertorier, en amont, les situations à éviter et de s’assurer que la data collectée sera bien en mesure de répondre aux enjeux métier de demain. Ce sont ces questions qui régiront les règles à appliquer aux données.
Cette méthode permet également de renforcer la cohérence entre les différentes visions de l’organisation : les métiers, la data et les systèmes d’information. On l’oublie parfois, mais les systèmes, comme les applications ou les data lakes, doivent eux aussi évoluer. Car une entreprise n’arrivera jamais à ses fins avec une architecture bancale, quelle que soit la qualité de sa gouvernance et de son management des données.
La méthode peut paraître contre-intuitive et parfois difficile à implémenter, mais la capacité d’une organisation à travailler sur des sujets de fond, tout en cherchant des applications pouvant générer des bénéfices immédiats est sans doute la clé d’une gouvernance des données réussie. Au contraire, beaucoup d’entreprises s’appuient uniquement sur des cas d’usage, et cette pratique révèle rapidement ses limites en matière de mise à l’échelle.
Par exemple, dans le cadre d’un projet produisant des données, si les opérations n’ont pas été consciencieusement pensées dès le départ, il existe un risque que les informations recueillies soient compromises. Il est donc essentiel d’inscrire un questionnement sur la qualité de la donnée dans le processus projet, même si la démarche peut prendre du temps.
D’un autre côté, si vous ne travaillez que sur des sujets de fond, vous risquez d’avoir du mal à engager vos collaborateurs. Un projet dont on ne voit pas les résultats est en effet souvent vite abandonné. Voilà pourquoi il est fondamental d’associer ces deux dimensions.
La conduite du changement est un point central de la gouvernance des données et, pour porter ses fruits, elle doit se faire à tous les niveaux. Les acteurs data sont très familiers du concept, mais les opérationnels et la direction sont plus rarement impliqués. Or, il est primordial de sensibiliser le top management à l’importance de la gouvernance afin d’éviter les freins organisationnels et le manque d’engagement.
Par exemple, si vous décidez de travailler sur la qualité de la data, vous devrez former les opérationnels, pour qu’ils soient capables de mettre en qualité les données et de détecter les problèmes, tout en convainquant la direction du bien-fondé de votre démarche. Cela passe notamment par l’explicitation des bénéfices métier. Sans cet engagement total, le processus de gouvernance a peu de chance d’être un succès.
Chaque projet de déploiement est unique, mais on retrouve souvent les mêmes écueils autour de trois thématiques.
C’est un élément important, mais certaines entreprises se focalisent trop sur cette question. Qu’il s’agisse de budget ou de ressources, les moyens alloués à la gouvernance sont généralement limités, et tout miser sur l’outillage implique de délaisser d’autres aspects essentiels, comme l’organisation et la conduite du changement.
Les organisations ont également tendance à chercher des modèles universels auprès des cabinets de conseil, des spécialistes de l’analyse ou en appliquant les méthodes de leurs concurrents. Mais la gouvernance est intrinsèquement liée à la culture de l’entreprise. Un modèle qui fonctionne dans un environnement spécifique a donc peu de chances d’être aussi efficace dans un contexte différent.
Les organisations veulent parfois aller plus vite que la musique et oublient de prendre en compte leur niveau de maturité avant de lancer un projet de gouvernance. Elles foncent alors vers la définition d’une cible en matière de politiques, de rôles, de responsabilités et de processus, sans prévoir de temps pour digérer les changements au fur et à mesure.
Au contraire, les bonnes pratiques dictent plutôt de commencer par des choses plus simples afin de monter progressivement en maturité.
Je n’ai pas de boule de cristal, mais on peut imaginer que la gouvernance des données va gagner en maturité et en popularité, notamment auprès des décideurs. Il s’agit en effet d’une pratique assez récente, que l’on a vu naître il y a une dizaine d’années environ, et il y a de fortes chances qu’elle se diffuse davantage si les exemples de réussite se multiplient.
Je pense aussi qu’elle va entrer dans le quotidien des entreprises et devenir totalement naturelle. On fera de la gouvernance des données sans même s’en rendre compte, en quelque sorte, alors que les outils et les pratiques évolueront vers plus d’imbrication opérationnelle avec le management et l’analyse des données. Certaines approches comme le data mesh ou le data fabric annoncent d’ailleurs déjà cette tendance à l’intégration, qui va certainement s’étendre à d’autres outils, tels que les CRM et les ERP. Des changements significatifs sont donc en vue !
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Nous allons suivre cette question de près. Et rendez-vous dans cinq ans pour vérifier ces prévisions ! Merci de nous avoir suivis. N’hésitez pas à commenter cet article et à nous proposer des idées de sujets pour nos prochaines éditions. En attendant un nouvel épisode de Data Talks, vous pouvez consulter les épisodes précédents :
Data Talks : Tout savoir sur la Dataviz
Data Talks : Tout savoir sur l’Open Data
Data Talks : Tout savoir sur le Chief Data Officer
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