Aujourd’hui, la data représente un marché considérable. Pourtant, malgré leur potentiel, 55 % des données des entreprises restent invisibles, donc inexploitées, et seules 15 % des organisations sont déjà prêtes à s’appuyer sur l’IA pour orienter leurs décisions stratégiques.
Ce problème peut en partie être expliqué par la difficulté de quantifier et de faire comprendre cette valeur à un public non initié. C’est justement un des enjeux soulevés par les invités de notre podcast Étant Données, qui donne la parole aux acteurs et aux actrices de la data.
D'eux de nos invités de la première saison, Christina Poirson group chief data officer de la Société Générale et Christophe Bonnefoux, chief data officer de BNP Paribas Asset Management, ont accepté de répondre aux questions du journaliste Bertrand Lenotre à ce sujet, lors d’un événement enregistré en public.
Si la mode actuelle pousse plutôt à privilégier la valeur d’usage, selon Christophe Bonnefoux, il ne faut pas sous-estimer la valeur patrimoniale de la data pour autant. Héritées de l’architecture IT et des bases de données statiques, ces informations brutes ne sont certes pas directement activables, mais sont essentielles pour construire les référentiels de l’entreprise et obtenir des résultats concrets.
Chiffrer cette valeur patrimoniale est toutefois loin d’être simple. C’est peut-être ce qui explique pourquoi de nombreux spécialistes préfèrent s’appuyer sur l’usage pour quantifier les bénéfices de la data. Au-delà de cette question, il est avant tout fondamental de réaliser qu’elle renferme une réelle valeur économique, quelle que soit l’utilisation qu’on en fait. Comme le souligne Christina Poirson, il s’agit en effet d’un actif qui peut s’acheter et se vendre, de la même manière que tout autre bien. Et ce marché n’en est encore qu’à ses balbutiements.
Pour exploiter toute la valeur économique de la donnée, il est nécessaire de saisir le marché sur lequel elle s’échange et de définir un certain nombre d’outils de mesures. Mais cela passe également par un travail sur la représentation de la data au sein de l’entreprise.
Pour y parvenir, la première difficulté à laquelle sont confrontés les data scientists concerne la faiblesse des historiques. La culture actuelle est en effet surtout centrée sur les usages. La donnée n’est donc généralement collectée que lorsqu’un cas d’usage a précédemment été défini.
Ces pratiques s’expliquent à la fois par des contraintes d’infrastructure et par des préoccupations écologiques liées au stockage des données. Cependant, cette démarche peut aussi se révéler problématique pour les équipes techniques, qui ne disposent pas toujours des historiques nécessaires pour mesurer ou prédire les comportements de leurs clients.
Évaluer la valeur économique des données est essentiel si l’on souhaite que l’ensemble des acteurs de l’entreprise prennent la mesure de leur importance stratégique. Mais la tâche est loin d’être aisée. D’après Christophe Bonnefoux, un des principaux enjeux pour les CDO réside dans leur capacité à quantifier le nombre de données unitaires dont ils disposent : un excellent moyen d’acculturer les membres du comité exécutif en chiffrant précisément les progrès réalisés.
Mais pour cela, encore faut-il disposer des compétences nécessaires, car les profils de data scientists, de data engineers ou de data architects, notamment séniors, font cruellement défaut.
Au contraire, pour Christina Poirson, si le recensement des données revêt une certaine importance, la meilleure manière de modifier en profondeur les pratiques consiste plutôt à mettre l’accent sur la valorisation des produits finis. La Société Générale dispose ainsi d’environ 330 cas d’usage en production, représentant 230 millions d’euros de gains si l’on prend en compte le PNB additionnel (produit net bancaire) ainsi que les coûts qui ont pu être évités grâce à la data.
Cette méthode permet dès lors aux métiers d’avancer des chiffres précis et d’objectiver cette création de valeur. C’est également un moyen de fixer des objectifs clairs en termes d’augmentation du PNB et de baisse des coûts, de qualité de la donnée, d’accessibilité et de respect de la réglementation. Pour atteindre un tel résultat, il est par ailleurs nécessaire de former les métiers afin qu’ils puissent mesurer avec justesse la valeur créée grâce aux données et outils mis à leur disposition.
Pour Christophe Bonnefoux, faire apparaître cette création de valeur dans les comptes de l’entreprise est une autre étape fondamentale pour transformer durablement la manière de considérer les données dans l’entreprise. C’est d’ailleurs déjà le cas lors des achats et ventes de société : la valeur de la data est désormais intégrée à la cotation des organisations, pourquoi ne pas faire entrer ces assets dans les bilans et comptes de résultat ?
La tâche risque toutefois de se révéler titanesque, tant l’évaluation exacte de ces assets purs paraît aujourd’hui presque hors de portée. C’est certainement une des raisons qui explique pourquoi les experts sont encore hésitants sur cette question et préfèrent souvent se concentrer sur les produits finis.
Dans ce cas, la dynamique est aussi totalement différente, car les cas d’usage ne tirent pas uniquement leur valeur de la donnée. Il faut également prendre en compte les algorithmes, les capacités de calcul, les idées et les savoir-faire. Le ROI du produit dépendra alors de sa progression, de l’idéation à la mise en production, sans oublier sa scalabilité (c’est-à-dire la possibilité de déployer un même cas d’usage sur plusieurs métiers). Mais comment faire ressortir la valeur de la data dans tout cela ?
La solution se niche peut-être dans notre capacité à reconsidérer notre représentation de la « valeur ». Malgré son activité dans le secteur bancaire, Christina Poirson est convaincue que l’estimation des bénéfices de la data ne doit pas se limiter à des éléments monétaires, tout comme la valeur d’une entreprise ne peut pas se réduire à ses états financiers. Par exemple, aujourd’hui, la RSE (responsabilité sociale des entreprises) peut être intégrée au patrimoine immatériel d’une organisation, et la démarche doit être similaire en ce qui concerne les données.
La qualité devrait ainsi être intégrée à l’évaluation de la data, car il s’agit d’une dimension essentielle pour en faire un usage concret. Mais apprécier la qualité d’une donnée est une tâche colossale. Encore une fois, c’est donc souvent sur le produit fini que l’attention doit être portée. La question n’est dès lors pas de savoir quel volume de données il est possible de traiter, mais quelles informations doivent être améliorées pour optimiser les cas d’usage qui nous intéressent.
Et cette démarche est particulièrement intéressante du point de vue de l’acculturation, car la mise en qualité de produits, comme des reporting ou des modèles concrets, parle bien plus au comité exécutif et aux différentes parties prenantes que des considérations purement techniques. Pour rendre visible et compréhensible cette valeur extra-financière, la Société Générale a décidé de mettre en place un score, qui permet d’évaluer la qualité des cas d’usage en fonction d’un certain nombre de critères prédéfinis (exactitude et unicité de la donnée, documentation, recommandations, etc.). Cet outil de mesure se révèle également utile pour pointer des problématiques fondamentales relevant de l’IT, des processus ou de la formation, souvent injustement imputées à la qualité des données.
Dans le contexte de l’entreprise, la valorisation de la data peut dès lors difficilement se borner à une mesure financière. De nombreuses questions comme la réutilisation, la confidentialité, l’impact RSE, le coût du stockage ou l’accessibilité doivent en effet être prises en compte pour se faire une idée précise de l’intérêt réel de ces données.
À ce sujet, je vous invite à lire une étude menée par ESG et Splunk il y a quelques années, intitulée Que valent vraiment vos données et qui se proposait de chiffrer la valeur des données inexploitées.
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